Des groupes armés déjouent le plan sécuritaire de la PNH, la société civile préoccupée

La société civile ne cache pas ses préoccupations face à la recrudescence de l’insécurité marquée ces derniers temps par la montée en puissance des groupes armés qui terrorisent la population, mettent en déroute la Police nationale d’Haïti.

Joint par téléphone jeudi dernier, Pierre Espérance s’est indigné de constater l’affaiblissement de l’institution policière. « Depuis la création de la Police nationale d’Haïti, c’est la première fois que des gangs armés la mettent en déroute », regrette le militant de droits humains, directeur exécutif du Reseau national de defense des droits humains (RNDDH).

Pierre Espérance avance des chiffres pour montrer l’ampleur de la situation sécuritaire du pays : « 13 policiers ont été assassinés par balle durant les trois premiers mois de l’année en cours ». Le militant en profite pour critiquer la nonchalance des autorités qui banalisent au passage la vie des concitoyens. Le cas de La Saline où des citoyens sont assassinés « comme des porcs », non loin du Parlement, est évoqué comme exemple par le défenseur des droits humains. M. Espérance n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer ouvertement des hommes d’État au sein du ministère de l’Intérieur et de la Délégation de l’Ouest qui cautionnent ces groupes armés.

Édouard Paultre, coordonnateur du Conseil haïtien des acteurs non étatiques (CONHANE), a abondé dans le même sens. La recrudescence de l’insécurité inquiète tout le monde, plus particulièrement les entrepreneurs. Pour lui, ces gangs armés qui font parler la poudre discréditent la PNH.

Le directeur exécutif de l’Initiative de la société civile, Rosny Desroches, va plus loin. Trois facteurs, selon lui, sont à l’origine de l’aggravation du climat d’insécurité sur le territoire. Premièrement, la situation socioéconomique et l’inflation galopante. Deuxièmement, l’instabilité politique. Et troisièmement, la faiblesse de la PNH.

« On ne peut pas éradiquer l’insécurité qui grandit dans le pays du jour au lendemain », pense M. Desroches, invitant les acteurs à s’asseoir autour d’une table en vue d’améliorer la situation socioéconomique du pays.

D’un autre côté, M. Desroches évoque l’effectif insignifiant de la PNH, autour de 15 000 agents pour assurer la sécurité d’environ 12 millions d’Haïtiens. Il plaide par ailleurs en faveur du renforcement des forces de l’ordre dans le pays.

Alors que le président Jovenel Moïse, lors du forum America Latina au Panama, avait insisté sur la nécessité que les investisseurs privés viennent faire affaire en Haïti, de l’avis de ces deux figures de la société civile, l’appel du chef de l’État ne suffit pas pour les attirer.

« Le président n’est pas sérieux quand il invite des hommes d’affaires à venir investir dans un climat sécuritaire pernicieux », lâche Édouard Paultre. « Il faut d’abord instaurer un système qui fonctionne. Personne ne va mettre en danger son investissement », croit le coordonnateur du CONHANE, plaidant pour un système qui ne tolère pas les bandits, qui ne laisse pas des hommes politiques utiliser ces groupes armés comme instrument politique.

À chaque fois qu’il y a recrudescence de l’insécurité, cela montre la nécessité d’établir un système de sécurité plus fort, a indiqué M. Paultre, pour qui le problème est la conséquence de la mauvaise gouvernance et l’absence de politique de la sécurité publique. Il exige une administration sérieuse qui contrôle la circulation des armes sur le territoire et qui établit une politique publique très claire en matière de sécurité.

« Ces gangs armés qui terrorisent la population symbolisent l’échec cuisant du gouvernement en matière de sécurité publique. Cela met à nu l’institution policière, qui est garante de la sécurité publique », estime M. Paultre. Selon ce dernier, la Commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion ne peut rien faire : « La PNH n’arrive pas à livrer la marchandise, encore moins ladite commission.»

Pierre Espérance en rajoute : « Haïti ne remplit pas les conditions pour encourager les investisseurs étrangers. » Le directeur exécutif du RNDDH avance deux conditions fondamentales capables d’inciter les hommes d’affaires étrangers qui font cruellement défaut en Haïti, à savoir la stabilité politique et le climat sécuritaire. De l’avis de M. Espérance, l’État doit renforcer la PNH, la DCPJ et mettre sur pied un service de renseignement pour endiguer le problème de l’insécurité dans le pays.

De la Commission de renseignement et de désarmement, M. Espérance n’attend pas grand-chose. « On ne peut attendre aucun résultat de ladite commission si les autorités n’instaurent pas l’État de droit », a-t-il fait remarquer.

Notons que la Commission de renseignement et de désarmement était chargée de coordonner et d’appliquer, d’après l’article 4 de l’arrêté l’ayant instituée, la politique de l’État en matière de désarmement, de démantèlement des groupes armés et de réinsertion des individus désarmés.

Michelson Cesaire source Le Nouvelliste

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