L’instabilité politique et sa facture salée sur le tourisme en Haïti

Un éventail d’acteurs ont été invités à intervenir sur la situation du secteur touristique en Haïti dans le cadre de la 2e journée du 9e Sommet international de la finance. Leur verdict est sans appel. Tourisme et instabilité ne riment pas. Selon Valéry Numa, journaliste et propriétaire d’hôtel, l’instabilité politique a des incidences majeures sur les piliers comme les transports, l’hébergement, les loisirs, la restauration et les souvenirs.

Pour les transports, Numa a souligné les nombreuses zones rouges qui peuvent empêcher un touriste de se rendre dans le Sud par exemple. « Quelqu’un qui doit se rendre à mon hôtel à Camp-Perrin doit tour à tour passer par Portail Léogâne, Martissant, Petit-Goâve, Chalon (Miragoâne), etc. Ces zones de blocage finissent toujours par repousser ceux qui voudraient faire l’expérience », fait-il remarquer, épinglant au passage la gouvernance globale du pays. « Il n’y a qu’une seule voie utilisée, à savoir la voie terrestre, pour se rendre dans 4 départements », déplore-t-il, soulignant que la situation est très compliquée pour les entreprises touristiques des villes de province. « Je ne sais pas si c’est moins délicat d’investir dans l’hôtellerie à Port-au-Prince, mais c’est plus compliqué dans les villes de province », tranche-t-il.

Par ailleurs, Valéry Numa n’a pas manqué de souligner l’impact de l’image d’Haïti à l’international sur le secteur touristique. Il a critiqué ceux-là qui vendent de mauvais clichés sur le pays. « Les Haïtiens sont les premiers mauvais marketeurs d’Haïti. Ce sont eux qui relaient en premier les mauvais clichés. On n’a qu’à regarder dans les blagues qu’il partage, l’Haïtien y est toujours sous-estimé par rapport aux autres nations », fait-il remarquer. Dans la foulée, Numa croit qu’il y aura une autre considération dans les « travel warning » quand les multinationales auront des intérêts en Haïti.

Dans un autre registre, Pierre Chauvet est intervenu sur les liens entre les chaînes de valeur touristique et agricole. Ce propriétaire de l’agence de voyage Citadelle a, dans son intervention, rappelé les opportunités manquées dans l’équation agriculture et tourisme. Il a égrené le débarquement des croisières Grace Line, Santa Rosa et Santa Paula au cours des années 1960, l’inauguration du Club Med, l’inauguration du port de croisière au Cap-Haïtien en 1982, l’inauguration de Labadie en 1986, etc. Dans ces différentes périodes, Chauvet souligne qu’il était difficile pour Haïti de répondre aux besoins des touristes sans provoquer une rareté pour les consommateurs locaux.

Après avoir souligné les opportunités ratées, Pierre Chauvet a esquissé une liste d’opportunités à ne pas rater. À cet effet, il plaide pour une intensification de la culture de matières premières afin que l’artisanat haïtien puisse continuer à exister. « Cela fait partie également de l’agri-business. Nos artisans doivent continuer à produire des œuvres d’art », estime-t-il. Il plaide également pour une valorisation du clairin local (rhum blanc). « Ce sont les Italiens qui viennent nous montrer la valeur du clairin. Ce rhum commence à avoir une valeur internationale. Une bouteille se vend entre 50 et 60 euros. On peut vraiment profiter des 532 guildives en Haïti », a dit Pierre Chauvet, qui invite à prendre l’exemple de la valorisation du Téquila qui était consommé par les petites bourses au Mexique avant de prendre son envol. Dans ce rayon des opportunités à ne pas rater, Pierre Chauvet y a ajouté les atouts des produits bio de notre agriculture ou encore les marchés de niche du tourisme santé.

Pour sa part, Kenneth Michel a évoqué les difficultés pour l’agriculture locale d’être un fournisseur pour le tourisme ou pour le marché international. « Certains voudraient faire croire que l’on peut exporter, moi je pense que les fermes d’exportation n’existent pas encore. L’agriculture de petite surface ne peut pas concurrencer le marché international », soutient-il. Kenneth Michel ajoute plus loin que les hôtels ou les restaurants ne peuvent pas mettre dans leur menu un produit qui ne sera disponible que par saison dans les régions. « Il y a une sérieuse opportunité pour que l’agriculture appuie le tourisme. Cependant, il existe un besoin certain de recherche et d’accompagnement des jeunes universitaires. On doit établir une base de données avec les types de culture, les consommations et les types de clientèle », a-t-il dit, plaidant pour un effort coordonné à cet effet.

Jean Daniel Sénat Source Le Nouvelliste

 

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