Depuis quelques semaines, la diaspora haïtienne est inconsolable. Impuissantes, les 2 millions de personnes qui constituent ce qu’on appelle couramment le « 11e département » du pays de Dessalines assistent à la descente aux enfers de leur paradis terrestre…
En effet, de Jean-Bertrand Aristide à Jovenel Moïse, 33 ans après sa libération de la dictature duvaliérienne, Haïti n’a cessé de dépérir. L’extrême pauvreté a considérablement augmenté. Le banditisme règne. Et les dirigeants du pays, censés servir le peuple, préfèrent se servir et se remplir les poches.
Séquestrée par des gens malveillantes, notre Haïti chérie souffre des séquelles des nombreuses manifestations non pacifiques, du pillage et du détournement de l’argent du fonds PetroCaribe : elle est tantôt la prostituée des bourgeois, tantôt le théâtre de crimes violents perpétrés par des gangs armés.
Haïti meurt
À vrai dire, l’Haïti que j’ai connue n’est plus. Du moins, elle est mourante. Dans les rues de la capitale où il faisait bon flâner, le parfum des mangues qui illuminait mon enfance est aujourd’hui neutralisé par l’odeur de mort et de pourriture.
Pour cet avocat spécialisé en immigration, le passé internationnaliste d’Haïti prouve bien qu’elle est le berceau de la liberté. Pendant longtemps, il a qualifié de fake news les images horrifiantes d’Haïti que l’on diffuse dans les médias.
De nos jours, je n’arrive plus à fredonner Ayiti cheri pi bon peyi pase ou nan pwen – Haïti chérie, il n’y a pas meilleur que toi.
L’Haïti que mes parents ont connue a accueilli le monde lors de l’Exposition internationale du bicentenaire de Port-au-Prince, en 1949. Les musiciens de renommée mondiale Miles Davis et Dizzy Gillespie, qui étaient parmi les artistes invités, ont eu un plaisir fou à faire déhancher la jeunesse haïtienne au son du jazz.
L’Haïti que bon nombre de Congolais ont appris à connaître et vénérer est venue en aide à l’Afrique francophone : durant la période de décolonisation de l’Afrique, dans les années 1960, plusieurs centaines d’Haïtiens, dont des instituteurs, des professeurs, des administrateurs et des médecins, se sont installés au pays de Patrice Lumumba pour conseiller et assister techniquement le gouvernement de la nation nouvellement indépendante.
D’ailleurs, tout récemment, un Montréalais d’origine congolaise, qui a été formé par quelques-uns de ces intellectuels haïtiens, me relatait certains faits de ce moment historique.
Pour cet avocat spécialisé en immigration, le passé internationnaliste d’Haïti prouve bien qu’elle est le berceau de la liberté. Pendant longtemps, il a qualifié de fake news les images horrifiantes d’Haïti que l’on diffuse dans les médias.
Car, jamais n’aurait-il cru qu’un jour, cette nation qui était montée dans l’estime de plusieurs serait tombée si bas…
Patice Lumumba, le leader congolais qui a fait appel à Haïti
L’avenir d’Haïti passe par le tourisme
Le même état d’esprit est observable chez des Québécois ayant atteint la soixantaine. Durant les années 70 et 80, ces Canadiens français ne connaissaient pas la République dominicaine. Pour écourter leur interminable hiver, ils misaient sur le soleil haïtien.
De ce fait, chers compatriotes, nous devons nous dire les vraies choses : dans ce drame haïtien, dont la France, les États-Unis et l’Angleterre sont les auteurs, nous y jouons le rôle principal.
Notez qu’il n’y avait pas que les « Gens du Pays » qui contribuaient au rayonnement du tourisme haïtien. Il y avait également les neveux et nièces de l’Oncle Sam, dont un certain Bill Clinton et son épouse, qui dépendaient des largesses du panorama paradisiaque d’Ayiti Toma pour oublier le stress quotidien de l’Occident.
Or, aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé. L’industrie du tourisme haïtien s’est beaucoup affaiblie. Comme en fait foi l’image mise en avant du texte, l’instabilité et l’insécurité d’Haïti poussent plusieurs compagnies aériennes à suspendre leur vols à destination de Pot-au-Prince.
On se demande même si les oiseaux migrateurs n’évitent pas Haïti pour les mêmes raisons…
Que s’est-il donc passé entre les années 1986 et 2019? Pourquoi la jeunesse haïtienne souhaite avoir une vie meilleure… ailleurs?
Comme on dit au Québec, ça ne prend pas la tête à Papineau pour savoir qu’il y a un sérieux problème en Haïti. Toutefois, il faut avoir le coeur et le courage de Capois-la-Mort pour admettre que nous faisons peut-être tous partie du problème.
De ce fait, chers compatriotes, nous devons nous dire les vraies choses : dans ce drame haïtien, dont la France, les États-Unis et l’Angleterre sont les auteurs, nous y jouons le rôle principal.
En d’autres termes, nous sommes les acteurs de notre « vie miséreuse », et que si les réalisateurs – les dirigeants politiques haïtiens – ne changent pas le scénario, comme le dit l’expression courante haïtienne, n’ap mouri nan film nan – nous mourrons dans le film.
Jovenel Moïse, Président de la République d’Haïti
Bon, j’avoue que dans le petit pélerinage historique qui nous a permis de voir Haïti sous un angle plus positif, nous avons omis de mentionner le régime sanguinaire des Duvalier et nous n’avons pas visité Fort Dimanche.
Quel oubli!
S’agit-il d’un oubli consistant à manipuler l’histoire? Ou tout simplement, pour paraphraser l’écrivain Jacques Stephen Alexis, c’est « un idéalisme merveilleux des Haïtiens »?
Permettez-moi de vous répondre en m’inspirant de John Lennon.
Imaginez Haïti sans les politiciens corrompus et cupides qui nuisent au bon fonctionnement du pays.
Imaginez les rues de Port-au-Prince et de Cap-Haïtien sans chaos et pneus brûlés, où les gens pourront circuler librement.
Imaginez qu’il n’y ait plus d’affrontements entre bandes rivales de Cité Soleil et d’autres zones d’Haïti, afin que le tourisme redevienne une importante source d’emplois.
Imaginez un peu!
Vous croyez peut-être que je suis un rêveur, mais sachez que je ne suis pas le seul à l’être. Il y a plus de 12 millions d’autres Haïtiens qui caressent mon rêve.
Et j’espère qu’un jour les membres de la Diaspora se joindront à ceux de leur terre d’origine afin de reconstruire leur paradis terrestre.
Walter Innocent
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