La problématique d’affichage dans les campagnes électorales en Haïti

Lors des campagnes électorales en Haïti, les photos des candidats investissent la moindre parcelle de mur de la capitale et des villes de province. Bâtiments publics, immeubles privés, édifices religieux et habitations privées n’échappent pas aux pots de colle des sympathisants de partis politiques. L’affichage, parallèlement à sa mission de porter à connaissance, a un impact sur les esprits et la capacité décisionnelle. Regard sur une pratique qui mérite d’être régulée.

Les élections sont le moment dans une démocratie où le peuple choisit ceux qu’il juge compétents pour penser le pouvoir. Et bien avant ce fameux exercice d’aller aux urnes précède la période de la campagne électorale, pendant laquelle les candidats des différents partis politiques présentent leur programme politique. La campagne électorale représente ce grand dispositif de communication destiné à séduire à travers des discours, des rencontres, des prises de parole, des prises de position et aussi une période pendant laquelle l’équipe du candidat essaie de soigner ou, tout au plus, de lui construire une image.

L’image est un élément essentiel en communication. Dans un texte, au-delà de l’illustration, la fonction d’une image est d’aider à mieux comprendre, à apporter de la lumière ou à offrir une autre porte d’entrée dans le sujet traité. Parallèlement au discours et au programme politique du candidat, l’image est une déclaration. C’est un discours en lui-même. Avec le développement des technologies, l’institutionnalisation de la politique et la création des formations sur la gestion de la politique à travers le monde, la campagne électorale s’est professionnalisée, elle se fait dans un cadre bien précis, avec des professionnels qui maîtrisent les rouages de la communication et de l’image. L’image du candidat n’est plus laissée au hasard.

Pour paraître sous son meilleur jour, le parti politique fera appel à un styliste qui maîtrise les codes couleurs, une maquilleuse pour cacher les imperfections et un photographe professionnel pour la prise de vue. Et lors de la construction de cette image, on prendra en compte la posture, la coiffure, le sourire, le poids du regard, les vêtements, les accessoires et pour couronner le tout, un slogan pour faire écho au programme politique.

Repenser la structure des partis politiques : l’absence de service de la communication

“Un parti politique est une association de citoyens et de citoyennes jouissant pleinement de leurs droits civils et politiques…”(Le Moniteur), et en tant qu’association politique, elle est appelée à pérenniser, elle doit donc avoir une structure participant à son bon fonctionnement. La loi ne fait aucune obligation quant au modèle d’organisation des partis, explique le Politologue Roudy Stanley Penn, mais l’exigence est fait d’avoir un représentant national. Les partis ne sont pas véritablement institutionnalisés. Ils n’ont pas les moyens de se procurer des technologies et des professionnels pour effectuer ce travail qui permettrait aux partis de mieux communiquer avec le public. Il est quand même possible que certains partis disposent d’une structure de communication – mais non-opérationnelle ou en train d’implémenter une communication inefficace parce que non mis en œuvre pas de vrais professionnels, précise M. Penn.

Notre propos ici se porte sur l’affichage, mais un coup d’œil sur la structure des partis politiques nous aide à comprendre leur fonctionnement et leur approche de la communication en général.

Des enquêtes démontrent que les partis politiques font montre d’un grand désintérêt pour la communication, qu’elle soit interne, externe, institutionnelle ou numérique. Selon une enquête publiée sur la plateforme Ayibopost “Seulement 2 partis sur 83 répertoriés ont un site web actif et 11 une page Facebook active”. Le désintérêt des partis politiques pour la communication numérique est flagrant. Cette faiblesse est palpable aussi au plan de la communication interne et institutionnelle. La grande majorité des partis politiques n’ont pas une direction ou un service de la communication avec des professionnels en la matière, soit un chargé de communication, un responsable des relations avec la presse, un webmestre, un responsable des réseaux sociaux, pour ne citer que ceux-là.

Selon la loi de janvier 2014 portant sur la formation, le fonctionnement et le financement des partis politiques, un projet de financement public a été mis en œuvre pour aider les partis politiques à s’institutionnaliser. En janvier 2018, plusieurs partis ont reçu le financement de l’état dans le cadre de ce projet. Mais à date, aucun suivi, aucun rapport n’a été fait sur l’utilisation de ces fonds. Quant au projet d’institutionnalisation, on n’en a plus l’écho.

L’affichage en Haïti : que dit la loi ?

Le législateur a pris le soin de définir le cadre de la campagne électorale ainsi que l’affichage électoral. La loi électorale, (illustrée avec une capture d’écran), votée au Sénat de la République, le 2 octobre 2013, en son chapitre VIII, revient sur la campagne électorale et l’affichage électoral en son article 115. “Les candidats et candidates, partis et groupements politiques peuvent utiliser tout moyen de communication collective pour exposer leur programme. Cependant, il leur est interdit d’apposer affiches, graffitis et autres, sur les clôtures, murs, portes des maisons privées, édifices d’intérêt public (lieux de cultes, écoles, hôpitaux, monuments historiques, etc.) sous réserve des sanctions prévues à la présente Loi.”

Mais dans la réalité, l’affichage ne respecte pas la réglementation. Il est coutume de voir un pan de mur complètement obstrué avec les affiches d’un seul candidat. Il n’y a pas de parité et l’affichage ne respecte ni les édifices publics ni les bâtiments privés, ni les écoles ni les églises, ni ce qui relève du patrimoine. Quand il n’y a plus de place sur les murs, les affiches  se retrouvent sur les voitures privées et les transports en commun (bus et taxis). Et longtemps après les élections, elles sont encore sur les murs et jonchent les rues de la capitale. C’est d’un désordre pour lequel il est difficile de trouver le nom.

Dans certains pays, en France à titre d’exemple, la loi encadre l’affichage en période électorale et s’assure rigoureusement de son application. Le candidat doit soumettre son affiche et le texte de sa déclaration à une commission pour avis. La loi précise les lieux de l’affichage, l’ordre et le nombre. Les mairies mettent à la disposition des candidats des emplacements spéciaux pour les affiches, des panneaux de mêmes dimensions pour permettre à chaque candidat d’avoir la même visibilité. Aucun parti politique ne peut décider de prendre en otage un mur avec les affiches de son candidat.

Un regard sur la législation haïtienne sur les élections, avec le juriste Nathan Laguerre.

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