Entrevue accordée à Taiwan par le Président du Conseil de l’ADIH

Une délégation de l’Association des industries d’Haïti (ADIH) s’est rendue à Taiwan du 29 septembre au 5 octobre, sur l’invitation du ministère taiwanais des Affaires étrangères. Son président, Georges Barau Sassine, a répondu le 4 octobre aux questions de Taiwan Info.

Quels sont pour les entreprises étrangères, et taiwanaises en particulier, les atouts et les défis d’une implantation à Haïti ?

Georges B. Sassine : Haïti a un taux de chômage supérieur à 75% et une population jeune qui a tendance à s’expatrier : entre 2016 et 2017, 200 000 jeunes haïtiens sont ainsi partis au Chili, une vague qui a succédé à celle à destination du Brésil. Pour nous, c’est grave de voir des jeunes éduqués quitter le pays.

Il existe à Haïti différents types d’industries dans les domaines du textile, de la plasturgie, de l’électronique ou encore de l’agro-alimentaire. Notre association compte deux branches, l’une travaillant pour l’export avec 58 000 emplois et l’autre pour le marché local avec environ 100 000 emplois. Cette dernière souffre beaucoup de la contrebande à la frontière avec la république dominicaine.

En 2006, le Congrès des Etats-Unis nous a accordé des préférences commerciales en ce qui concerne le textile et l’habillement – une loi portant le nom de HOPE (Haitian Hemispheric Opportunity Through Partnership Encouragement, entrée en vigueur le 19 mars 2007 – NDLR). Cela nous a permis de créer jusqu’à présent environ 40 000 emplois. Nous aurions pu en créer cinq fois plus, mais nous avons subi le tremblement de terre de 2010 et, par la suite, un manque prolongé d’infrastructures.

Ceci dit, nous poursuivons nos efforts. Trois sociétés taiwanaises du secteur de la confection de vêtements sont présentes à Haïti, ainsi que la compagnie Overseas Engineering & Construction Company (OECC) pour la construction de routes et d’infrastructures.

Justement, quels sont les objectifs de votre visite à Taiwan ?

Nous sommes ici pour encourager les Taiwanais à investir en Haïti, en particulier dans le contexte des tarifs douaniers imposés par les Etats-Unis sur les produits importés depuis la Chine. Nous expliquons aux entreprises taiwanaises, notamment à celles qui travaillent pour le marché américain, que nous sommes à 72h seulement par bateau et à 1h20 par avion des Etats-Unis – une proximité imbattable –, sans oublier les avantages procurés par la loi HOPE pour le secteur textile.

Nous promouvons le secteur textile car il permet l’investissement par emploi le moins coûteux. Nous avons construit dans le nord d’Haïti un immense parc industriel où se sont installées une grosse entreprise coréenne avec 14 000 employés, l’entreprise taiwanaise Everest Textile Company avec plus de 2 000 employés, et MAS du Sri Lanka avec un millier d’employés. Nous avons de la place pour une dizaine d’autres entreprises et verrions même d’un bon œil que ce parc soit géré par un Taiwanais.

Je viens ici presque chaque année avec une délégation. C’est la première fois où je ressens une telle résonnance. Est-ce à cause de la situation sur l’autre rive du Détroit ? Des encouragements des Etats-Unis ? Peut-être aussi les industriels taiwanais ont-ils remarqué que des entreprises coréennes s’étaient implantées en Haïti.

Une coopération existe entre l’ADIH et Taiwan dans le domaine de la formation de la main-d’œuvre pour le secteur de l’habillement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Deux parcs industriels appartiennent à l’Etat, l’un à Port-au-Prince, l’autre à Caracol. Grâce au financement accordé par Taiwan, notre association va pouvoir poursuivre sa formation de main-d’œuvre. Dans le Nord, ce sont ainsi 90 personnes qui vont obtenir leur diplôme fin novembre. Plus de 80% des personnes formées trouvent un emploi dans ce secteur.

Nous avons rencontré aujourd’hui le vice-ministre taiwanais des Affaires étrangères, Miguel Tsao [曹立傑], et avant lui les associations patronales taiwanaises. L’un des buts de cette visite est de mettre sur pied, si possible au début du mois de décembre, une mission de gens d’affaires taiwanais en Haïti pour y observer la situation et voir les possibilités qui s’offrent à eux, et les défis aussi. Si cette mission est confirmée, cela sera un signe très fort pour Haïti.

Si des entreprises taiwanaises expriment un intérêt pour s’implanter, l’ADIH est à même de les accompagner dans leurs démarches, notamment auprès du Centre haïtien de facilitation des investissements.

Vous plaidez donc pour un renforcement des relations économiques et commerciales entre Haïti et Taiwan…

Haïti entretient des relations diplomatiques formelles avec la République de Chine (Taiwan) depuis 1956 et ces relations ont malheureusement toujours été pour l’essentiel de gouvernement à gouvernement. Le peuple haïtien n’est pas suffisamment au courant de ce que fait Taiwan. Depuis quelque temps, la Chine est présente en Haïti à travers un bureau de développement commercial et chante des refrains très alléchants à l’oreille de nos dirigeants et de la population. Mais selon mon expérience, nous pouvons certes nous fournir auprès d’entreprises chinoises mais nous ne serons jamais de véritables partenaires en affaires car nous ne parlons pas la même langue sur ce plan : avant de faire quoi que ce soit, ils offrent de l’argent à droite et à gauche.

Avec l’ambassadeur Hu Cheng-hao [胡正浩] et maintenant l’ambassadeur Bernard Liu [劉邦治], l’ambassade de la République de Chine (Taiwan) fait beaucoup pour renforcer la coopération bilatérale et pour mieux faire connaître son action, ainsi que celle du Fonds de développement et de coopération internationale (TaiwanICDF). Toutefois, beaucoup reste à faire pour mieux communiquer, y compris auprès des chefs d’entreprises haïtiens. Le jeu maintenant a changé. »

Outre Georges B. Sassine, la délégation de l’ADIH était composée de Lionel Delatour, consultant de l’ADIH, de Richard Coles, à la tête du groupe Coles, de Reginald Béliard du groupe Fatima, de Maulik Radia, directeur général du groupe Plastech, de Sandra Beauville et Guy-Olivier Jeanty du Palais national, ainsi que de Frantz Duval, rédacteur en chef du journal Le Nouvelliste.

Source Taiwan Info

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